Aborder la question de l’hygiène de vie à propos de la prévention du burnout ou de l’épuisement professionnel pourrait d’abord évoquer une perspective de responsabilisation individuelle un peu culpabilisante. Alors prenons les choses par un autre bout et commençons par affirmer qu’un premier aspect fondamental de l’hygiène de vie est de ne pas trop travailler. Là aussi on pourrait penser seulement à une question de responsabilité individuelle et dire que l’étudiant en santé doit faire attention de ne pas faire que travailler. Alors oui pour une petite part chacun doit veiller à ne pas se mettre des objectifs déraisonnables qui exigeraient un engagement dans le travail excessif. Mais soyons très clair sur ce champ de la charge de travail, la question n’est pas au niveau individuel mais bien au niveau collectif,  c’est-à-dire au niveau de l’organisation de travail et des institutions. Il y a la surcharge liée aux apprentissages théoriques qui peuvent être en rapport avec des programmes excessifs et des études trop structurées sur le mode concours permanent. On pense en particulier aux études de médecine pour lesquelles on espère que les réformes en cours changeront la donne. Il y a aussi la surcharge liée à la pratique et aux stages. On pense en particulier aussi à la période de l’internat chez les étudiants en médecine. Mais en fait toutes les filières de formation en santé sont concernées par ces questions de surcharge et des réformes sont en cours dans plusieurs d’entre elles : espérons que cela apportera un réel changement. Les données de la littérature sont très claires sur ce sujet : il y a une forte corrélation entre prévalence de l’anxiété, de la dépression et des idées suicidaires chez les internes et leur charge de travail hebdomadaire. Il y a donc là des enjeux de responsabilité collective sur lesquelles le Centre national d’appui à la qualité de vie des étudiants en santé (CNA) se positionne de façon très claire. Il l’a déjà fait particulier dans les formations qu’il a organisé  pour les coordonnateurs des diplôme d’études spécialisées de troisième cycle en médecine. Le CNA a aussi clairement en perspective la question de la surcharge et l’épuisement liés à la nécessité pour certains étudiants en santé de travailler en parallèle de leurs études pour des questions de précarité financière.

Cette question de l’effet délétère de la surcharge de travail ayant été posée très clairement, il reste que pour un autre bout l’étudiant en santé a une marge de manœuvre et d’autonomie sur un certain nombre de paramètres concernant son hygiène de vie. L’idée même d’ailleurs d’un « hygiénisme de vie » n’est pas très attractive et les quelques points que nous allons évoquer, pourront résonner pour les jeunes adultes que sont la plupart des étudiants santé comme des vieilles rengaines d’adultes sérieux qui s’adresseraient à des adolescents. Je ne sais pas si nous pourrons éviter complètement cet écueil.  Voici quelques un de ces points.

Le sommeil est un premier paramètre très important même si à 20 ans on supporte mieux qu’à 50 ans les irrégularités de son cycle veille-sommeil. Là aussi on est bien d’accord qu’il y a des choses que le sujet subit du fait même de son activité. On pense notamment aux activités de garde qui concernent de nombreux étudiants en santé mais aussi aux horaires irréguliers des étudiants en soins infirmiers ou en maïeutique.  D’où l’importance là aussi de limiter le nombre de gardes. Mais à côté de cela il est important de s’accorder un temps de sommeil suffisant et qui sera d’autant meilleure qualité qu’il respectera des heures régulières de coucher et de lever. Attention donc aux sorties trop nombreuses et se finissant trop tard dans la nuit, attention aux consommations d’écran qui perturberont l’endormissement ou interrompront le sommeil. 

Une pratique régulière d’activité physique est importante non seulement pour notre capital santé à long terme (à 20 ans on n’a pas souvent cette préoccupation même si on est un futur professionnel de santé), mais aussi pour notre santé de court terme et pour prévenir l’épuisement professionnel. L’activité physique procure une sensation de détente, aide à la régulation des émotions, favorise un meilleur sommeil. On sait qu’elle a aussi des impacts neurobiologiques favorable via notamment la production de facteurs neurotrophiques. A chacun de trouver les modalités d’activité physique qui lui conviennent. On pourrait associer à cette rubrique aussi l’intérêt de pratiques créatives ou artistiques quelles qu’elles soient.

Avoir une vie sociale et affective est un aspect important aussi. Passer du temps avec ses amis dans le travail et hors du travail est bénéfique. Nous n’allons pas développer ce point non plus et le CNA n’a pas prévu d’héberger un site de rencontre mais mentionnons par exemple que dans beaucoup de villes, des syndicats ou associations d’internes ont mis en place un accueil des nouveaux arrivants en début d’internat pour éviter que ceux qui arrivent dans une nouvelle ville restent isolés. 

Enfin on ne coupera pas à un petit chapitre sur la question de la consommation de substances comme facteurs favorisant l’épuisement professionnel. Nous ne voudrions pas que le Ministère de l’agriculture s’adresse à nos deux ministères de tutelle pour reprocher au CNA de mettre en danger la tradition viticole française, mais force est de constater dans le milieu des étudiants en santé qu’il y a des habitudes encore bien ancrées de consommation excessive d’alcool, le plus souvent dans le cadre de soirées et sorties (qui en tant que telles sont des éléments positifs par rapport à la perspective « prévention du burnout »), habitudes qui sont aussi des facteurs favorisant l’épuisement en perturbant le sommeil et en générant de la fatigue psychique et physique. L’alcool est particulièrement ciblé parce que c’est la substance la plus impliquée sur le sujet mails elle n’est pas en position de monopole.

Pour conclure sur ces points, comprenons-nous bien. Une des meilleures préventions de l’épuisement professionnel est le plaisir des choses de la vie pris pour soi et partagé avec les autres. Le CNA ne vous invite pas à mener une vie triste et monotone. Mais essayez de prendre soin de vous individuellement et continuez à le faire aussi collectivement en défendant vos droits et vos conditions d’études et de travail.

Gilles Bertschy

Psychiatre

Hôpitaux universitaires et université de Strasbourg

Si vous voulez lire plus de choses sur le burnout et sa prévention :

https://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/Exe_Burnout_21-05-2015_version_internet.pdf

Share This